Rencontre avec Marc Prensky

Je me souviens d’avoir souvent écrit à l’occasion de ma participation à des non-conférences en éducation que je me sentais comme si j’étais assis en «plein centre de mon agrégateur». De fait, le grand nombre de personnes présente à Clair 2010 qui blogue ou publie du contenu par Twitter nous donne cette impression surréaliste de se retrouver au confluent de plusieurs «chemins de connaissances»! Mais il y a de ces rencontres qui laissent un souvenir encore plus intense; j’ai particulièrement goûté chacune des quarante-cinq minutes passées en compagnie de Marc Prensky et Viktor Freiman, président de l’Aptica.
Il faut dire que la veille, M. Prensky nous a offert une intervention digne des plus grands! On m’avait demandé d’introduire notre conférencier et plusieurs angles s’offraient à moi. Auteur, écrivain, visionnaire et innovateur… n’importe qui s’intéressant au domaine des technologies et des apprentissages est fasciné par les idées de celui qui s’est adressé à nous dans un français de très grande qualité. Un résumé complet de sa conférence sera disponible dans les prochains jours et j’hyperlierai quand ce sera en ligne. Trois idées fortes ont continué de captiver les gens au lendemain de sa prestation:

  • «Combiner ce que fait bien le cerveau avec ce que font bien les machines… C’est ça la sagesse digitale».
  • «Les verbes restent les mêmes: communiquer, présenter, apprendre… seuls les outils changent».
  • «On n’a pas idée des changements qui s’en viennent au niveau des capacités de produire et de diffuser du contenu… tellement de nouvelles technologies entourent et entoureront les jeunes. Pourquoi ne pas enseigner ce que nous n’enseignons pas ou si peu : il faut apprendre la programmation à l’école!

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Crédits photo: Roberto Gauvin

Revenons à cette rencontre du lendemain. On se souviendra que récemment, dans un billet où je rappelais l’importance de lire des auteurs aux points de vue divergents, je pointais vers un billet de Normand Baillargeon qui mettait en doute certaines facettes de l’argumentaire porté par le concept des «digital natives». Les questions entourant des changements dans «la structure du cerveau des « natifs du numérique »» ont donc été parmi les premiers points sur ma liste de sujets à discuter avec M. Prensky. Sa réponse a été sans équivoque. Selon lui, l’évidence est que le cerveau humain s’adapte et a toutes les capacités de le faire. Si cela est assez bien documenté, rien n’indique qu’à la base du cerveau des natifs, il y aurait un changement structurel. Par exemple, sur le fait qu’ils seraient plus «multitâches» que leurs aînés, on doit comprendre que plus le cerveau des jeunes est «occupé», plus le degré d’attention pour une de ces tâches peut être affecté par l’autre, surtout, si des automatismes ne sont pas apparus dans le cerveau de la personne confrontée souvent aux multitâches. Auraient-ils développé plus d’automatismes que les «immigrants du numérique»? Ça demeure une hypothèse à être confirmée.

Dans l’échange, j’ai senti que la position de M. Prensky avait cheminé sur ce sujet. Étant toujours convaincu de l’importance d’apporter des ajustements dans nos stratégies avec les natifs puisqu’ils ne communiquent pas avec les mêmes outils que leurs prédécesseurs, il préfère insister sur la dualité «contraintes» vs «passion» qui le distingue de certains penseurs en éducation. Son discours est devenu beaucoup plus affirmatif quand est venu le temps d’insister sur la fausse route de la motivation extrinsèque en tant que levier pour éduquer les jeunes. Il n’a pas hésité à condamner Arne Duncan et l’administration Obama pour son manque de vision en éducation. Quand il entend des phrases comme « »More discipline » (dans le sens de « il faut les contraindre ») est le facteur clé pour que les jeunes réussissent en math et en sciences», il se désespère.

«C’est la passion qui est le facteur clé de la motivation scolaire. Si l’administration Obama comprenait qu’en encourageant les jeunes à développer leur passion pour les sciences et les maths, ils arriveraient à atteindre leurs objectifs avec beaucoup plus d’assurance qu’en blâmant les enfants pour leur manque de discipline et de rigueur. Je n’en peux plus de cette radicalisation qui laisse entendre qu’en augmentant les contraintes on risque d’augmenter la réussite scolaire. Je crois à la discipline qui vient de l’intérieur et cette discipline qui engage les jeunes dans l’effort, elle vient avec la passion, réel moteur des apprentissages!»

Au terme de la rencontre, Marc Prensky a cru bon fournir à certains d’entre nous «le pdf» de son prochain livre «Teaching Digital Natives: Partnering for Real Learning»; je suis l’un de ceux qui se sont dits prêts à lui transmettre quelques feedback et je compte bien revenir ici sur le bouquin. Un extrait en lien avec les propos qui précèdent…

«Education‘s approach to motivating students has traditionally been the stick, i.e., discipline. The stick has long been used both literally and figuratively (as demerits, detention, and downgrades). In some circles, discipline is even making a comeback as a remedy for our often-failing system. But educational experts and teachers who really know kids are increasingly pointing to a better approach to student motivation, one that works much more effectively in both the short and long term. That better way is to motivate each student to learn through his or her passion. Passion drives people to learn (and perform) far beyond their, and our, expectations. And whatever is learned through the motivation of passion is rarely if ever forgotten.»

Prensky un de ces «technophiles en éducation» qui interviennent à coup de «grandioses promesses» s’accompagnant de «l’assurance qu’apprendre se fera désormais sans effort et « naturellement »»? Ce n’est pas le Prensky que Viktor et moi avons rencontré…

N.B. Par «la magie» du tag #educon (la non-conférence anglophone qui se déroule à Philadelphie), aussi prolifique aujourd’hui que #Clair2010, j’apprends qu’un autre livre paraît sur le même sujet écrit par le professeur John Palfrey du Harvard law.

Mise à jour du 15 février Sur le site du RIRE, un article connexe à ce sujet, «Le multitâche et l’apprentissage».

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1 Commentaire
  1. […] rencontré Marc Prensky dans un événement (Clair 2010) voilà quelques années déjà et j’ai beaucoup consulté […]

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