Sortie de crise

Un des ministres les plus décevants des dernières années s’est commis dans une sortie médiatique très remarquée aujourd’hui…

« Ce n’est pas facile d’être un gouvernement quand on a en face de soi des intervenants qui ne sont pas crédibles, a-t-il ajouté. La base étudiante est noyautée par des gens qui ne prennent pas leurs études très au sérieux. Je pense que c’est le fond du problème. »

Faire passer tous les étudiants qui ne sont pas en classe pour cause de conflit avec le gouvernement pour des gens qui ne prennent « pas leurs études très au sérieux » relève d’une maladresse sans nom, à ce stade-ci des événements.

Convenons que certains n’ont plus la tête aux études et ont l’âme guerrière, mais plusieurs de ceux qui manifestent ont leurs études à coeur, c’est certain.

La situation devient de plus en plus claire cette semaine :

  • Au moment où une majorité d’étudiants universitaires termine leur session d’études parce qu’ils ont voté pour demeurer en classe, qu’ils soient pour ou contre la hausse des droits de scolarité proposée par le gouvernement, d’autres voient le conflit s’éterniser sans qu’une solution de compromis satisfaisant soit sur le point d’éclore.
  • Du côté des collèges, la fin de la session approche à grands pas pour une autre majorité d’étudiants qui ont voté pour continuer leurs études. Certains collèges ne voient plus comment ils vont pouvoir terminer cette session du printemps avant le 1er juillet et d’autres se demandent même s’ils auront assez de jours au mois d’août pour rattraper le temps et conserver une certaine qualité d’enseignement avant d’entreprendre l’autre session, celle d’automne.
  • L’opinion publique est résolument stable et demeure pro-hausse des droits de scolarité à une pourcentage variant entre 60 et 70, selon les sondages.
  • Les étudiants ayant voté « la grève » voient des collègues de quelques assos retourner en classe, mais ils semblent encouragés par les votes de refus de « l’entente négociée » en fin de semaine. L’impression de s’être « fait avoir » les conforte dans leurs revendications sur le gel ou la gratuité, c’est selon, mais remet aussi en question la crédibilité de leur porte-parole dont certains avouent avoir signé un document sans l’avoir complètement lu.
  • Le gouvernement qui était déjà faible au début du conflit, l’est davantage au sortir du dernier épisode qui a eu lieu pendant le conseil général du parti dont il est issu. L’opinion publique juge déjà très sévèrement la façon dont il a géré toute cette crise qui n’en finit plus de finir.
  • L’opposition officielle s’est rangée à une exception près derrière le carré rouge dont la chef dit qu’il est le symbole de « l’équité et de la priorité à l’éducation » (source). Le symbole de la cause n’a plus la même signification désormais pour tous ceux et celles qui le portent…
  • La tension déjà forte en fin de session normalement l’est davantage dans le contexte actuel et il faut ajouter un bilan sans précédent du « nombre de blessés dans un mouvement de contestation au Québec » (source). Les forces policières ne semblent pas en mesure d’intercepter les casseurs dans les manifestions avant qu’ils ne sévissent et la sécurité des étudiants puis du grand public commence à inquiéter sérieusement.
  • De plus en plus d’intervenants croient que la légitimité de la hausse proposée deviendra suffisante aux yeux de ceux qui la refuse au moment où un parti prônant cette hausse dans son programme gagnera des élections générales.

Devant ce constat, il me semble que les étudiants membres d’association « en grève » devraient pouvoir considérer que leur message est passé, clairement, et qu’il est raisonnable de penser que ceux qui veulent terminer leur session d’études ont le droit de le faire tout en respectant ceux qui veulent continuer « le combat » et qui ne se voient pas capables d’étudier dans les conditions actuelles. En attendant que l’appel aux urnes vienne clarifier la situation, le gouvernement pourrait cesser de mettre de l’huile sur le feu par des déclarations inappropriées, prioriser dans les gestes à poser ceux qui assurent la sécurité de tous et planifier avec la direction des universités et des collèges qui vivent le conflit, les meilleures conditions pour que ceux qui le souhaitent terminent leur session d’études hiver 2012.

La hausse des droits de scolarité est légitime pour moi. Convenir qu’elle ne l’est pas pour une portion importante – mais minoritaire – des étudiants ne me pose pas problème. Compte tenu du temps qui nous sépare d’élections générales, il me semble que nous entrons dans une phase dangereuse et rarement explorée dans l’histoire des conflits étudiants. Le gouvernement ne pourrait-il pas simplement convenir qu’il reconnaît le combat des résistants et que les efforts de chacun pour un retour en classe de tous ceux qui le veulent ne seront pas interprétés comme une « capitulation »?

Il faut terminer cette session d’études, maintenir la hausse et les conditions de la « dernière offre » au mouvement étudiants, mais bien inscrire que le débat n’est pas terminé et qu’il devra se régler démocratiquement.

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6 Commentaires
  1. Photo du profil de GillesJobin
    GillesJobin 10 années Il y a

    Salut Mario,
    D’abord, je prends le temps de te féliciter pour ton engagement politique. Je ne voterai certainement pas CAQ, mais j’admire les gens qui sont capables de prendre position.

    Parlant de prendre position, je trouve particulièrement «flou» ce billet.
    D’abord, tu parles de «maladresse sans nom» concernant les propos de Reid. Veux-tu dire par là qu’il aurait pu dire la même chose mais autrement ? Autrement dit, es-tu d’accord sur le message de Reid, mais non sur sa forme? Cela veut-il dire que tu ne dénonces ces propos comme étant extrêmement méprisables à l’égard des étudiants ?

    Tu dis que la hausse est légitime. C’est un peu comme si tu disais : La hausse du prix de l’essence est légitime. Soit. Mais peut-on regarder POURQUOI elle est légitime et déposer les chiffres sur la table. Les étudiants disent qu’il y a du gaspillage dans les Universités, que la gestion est déficiente, que beaucoup d’argent y est mal dépensé. Ils veulent (et ça c’est légitime) savoir POURQUOI il doivent payer AVANT de payer… N’est-ce pas sain que nos étudiants demandent des «pourquoi»?. Et n’est-ce pas le rôle des éducateurs de leur répondre ADÉQUATEMENT. On sait très bien que le paternalisme ne fonctionne pas en pédagogie !

    Ton dernier paragraphe n’est vraiment pas clair. Aussitôt qu’on dit «Il faut…» on sent venir la pensée magique, et, surtout «Faites ce que je dis…» Les étudiants ont droit à des réponses. Si le gouvernement et les hommes politiques (j’inclus ton chef, et Marois, et le reste) ne peuvent répondre, je pense qu’ils doivent alors laisser la place à des gens plus compétents.

    • Photo du profil de Mario Asselin
      Mario Asselin 10 années Il y a

      Merci pour tes bonnes paroles Gilles, à propos de ma candidature.

      Je précise d’abord que je ne suis pas d’accord avec Pierre Reid, ni sur le fond, ni sur la forme. Ce n’était certainement pas le bon moment pour « sortir » ainsi. Sur le contenu du message, je répète ce que j’ai écrit : « Convenons que certains n’ont plus la tête aux études et ont l’âme guerrière, mais plusieurs de ceux qui manifestent ont leurs études à coeur, c’est certain ». Je dénonce son intervention.

      Dans cet article ce matin, un des leaders étudiants avoue être « dépassé par la situation ». C’est une des raisons qui me motivent à prôner le retour en classe, avec l’aide de tous les étudiants qui veulent « sauver » la session, en convenant que la question sera tranchée lors des prochaines élections. Les étudiants les plus militants doivent savoir que leur message a passé.

      Je me suis prononcé souvent sur ce qui motive mon préjugé pour la hausse; j’aurais dû hyperlier vers ce billet qui témoigne des travaux du CIRANO ou cet autre qui cite les chiffres de Luc Godbout.

      Il est sain que les étudiants demandent des «pourquoi». D’accord avec toi au niveau du paternalisme; ça ne fonctionne pas.

      Je suis de ceux qui pensent qu’ils faut aider tous les étudiants qui ont des problèmes d’accès aux études supérieures. L’occasion de la prochaine campagne électorale me permettra sûrement de rencontrer des jeunes et des citoyens préoccupés par ces questions. Ce sera un plaisir pour moi que de leur expliquer ma position sur ces enjeux.

      La société paye actuellement 87,3% du coût des études d’un jeune universitaire et elle en payait 73,6% en 1964-65. Dans les écoles secondaires « cotées » 8, 9 ou 10, les taux de décrochage dépassent souvent les 40 et 50 pour cent. Plusieurs de ces jeunes ne se rendent même pas aux portes de l’université. Il faut investir massivement au primaire et secondaire pour améliorer l’accès à l’université. Nous aidons déjà tous ceux qui réussissent néanmoins à s’y rendre et nous devons continuer de le faire. Pour ces jeunes des milieux défavorisés, la hausse est totalement compensée par des bourses. En plus, avec les propositions de la Coalition, plus de jeunes obtiendront de l’aide via des bourses. C’est sur l’accès qu’il faut travailler…

      Je ne répéterai pas tout ce que j’ai déjà écrit dans d’autres billets, mais j’ajoute qu’il est dommage que nous ayons autant à rattraper pour toutes ces périodes de gel. Pour espérer seulement rejoindre en 2016-17 ce que nous aurions atteint par le niveau de l’inflation depuis les années 69-70, nous devons maintenir les hausses prévues. À ce moment, les étudiants contribueront à la hauteur de 16,9% aux coûts de leurs études (83,1% pour ce qui est de la société).

      Je suis pour les explications et le dialogue.

      S’aurait dû être la norme depuis des années et tout particulièrement ces derniers mois.

  2. […] Qui je suis ← Sortie de crise […]

  3. […] Tout de même, je me suis senti tiraillé toute la journée. Je n’éprouve plus du tout la conviction que les leaders des associations étudiantes se battent pour contrer la hausse des droits de scolarité puisque tous les étudiants (60%) qui sont issus de famille disposant de revenus d’au moins 65 000 $ ne subissent pas la hausse prévue. Je ne peux pas imaginer que le conflit perdure pour « défendre » les 40% pour qui la hausse est tangible. De l’autre côté, je suis conscient que le gouvernement a très mal géré le conflit. Il a laissé pourrir la situation, a perdu le contact avec le mouvement étudiant et a torpillé « l’entente » convenue entre tous en plein milieu du Conseil général du PLQ. On a une crise qui se vit aux portes de trop d’établissements scolaires le matin et dans les rues du centre-ville de Montréal le soir. Et on ne voit plus la lumière au bout du tunnel. […]

  4. Photo du profil de PatrickGiroux
    PatrickGiroux 10 années Il y a

    Je surfe dans mon agrégateur pour tenter de reprendre le dessus et je remarque ton intro… Je me demande si le ministre que tu cites savais que la co-porte-parole de la CLASSE a reçu une médaille du lieutenant-gouverneur pour, entre autres, ses notes très élevées… Sais-tu si quelqu’un lui a dit ou demandé ce qu’il en pense?

    http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/education/201205/23/01-4527995-la-co-porte-parole-de-la-classe-recoit-une-medaille-du-lieutenant-gouverneur.php

    • Photo du profil de Mario Asselin
      Mario Asselin 10 années Il y a

      Je pense qu’il fait maintenant parti des problèmes cet ex-ministre, et non des solutions. Je pense aussi qu’on ne l’entendra plus beaucoup sur ce sujet d’ici la fin du mandat du gouvernement actuel… Bref, je ne sais pas et je ne suis pas certain si ça compte de le savoir 😉

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