Rendre hommage au réseau public d’éducation sans dénigrer l’école privée

Note : Ce billet a d’abord été publié sur le site du Huffington Post, dans la section « Blogues ».

Tout comme elle l’avait fait en 2009 à l’occasion de la première édition de la Semaine pour l’école publique, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) a récidivé cette année avec la 4e édition de son initiative, toujours axée sur le débat du financement de l’enseignement privé. La question d’un certain acharnement à réactiver une polémique sur un sujet qui ne fait pas vraiment de doute dans la population en général se pose.

En 2009, la FAE avait publié les résultats d’une étude qui faisaient mention d’une économie potentielle de 86 millions de dollars si on cessait de financer les écoles privées et qu’un transfert de 50% de la clientèle actuelle allait vers le public. L’étude menée par Jean-François Landry ne semble plus en ligne, mais j’en avais parlé dans un billet sur mon blogue. J’avais surtout décrié le manque de réalisme de la prémisse de l’auteur :

« Le « chercheur » connaît très mal le monde scolaire s’il croit que son hypothèse tiendra la route longtemps… Couper 50% des effectifs d’une école c’est l’équivalent de dire que l’école n’existe plus, dans la grande majorité des cas. À Montréal, je veux bien croire que le grand nombre de demandes pourrait faire en sorte que plusieurs écoles pourraient survivre avec des frais de 7 969 $ facturés aux parents d’un élève (je me base sur le chiffre de la page 18 de l’étude), mais croire que le privé «garderait» 50% de sa clientèle demande un acte de foi… disons… ardent. Mais faisons l’hypothèse qu’à Montréal, ça tiendrait la route. Ailleurs en province, couper 50% des élèves, ça veut dire fermer 90% des écoles privées. Quelques écoles privées à Sherbrooke, quelques autres à Québec, une à Trois-Rivières ou dans les Bois-Francs peut-être… Jamais on ne pourra croire que seulement 50% des élèves de ces régions vont continuer à pouvoir fréquenter le privé. L’offre ne sera plus présente et ça va coûter trop cher. Reprenons le 388,7 M$ de la page 26; à combien de pourcentage de retour vers le public, il n’y a plus d’économie? À 72 872 élèves de retour au public, on a un coût nul, c’est à dire dans la proportion d’un retour de 63 pour cent des élèves du privé vers le public. Dans le cas d’un retour de 80% (chiffre beaucoup plus réaliste – et encore? – tenant compte des disparités régionales au Québec), le résultat passe d’une économie à un coût de 102 M$. Conclusion… s’il faut couper les subventions au privé, il ne faudrait pas penser le faire en économisant. Je demeure intéressé à connaître tout renseignement sur ce chercheur, Jean-François Landry, dont les hypothèses s’apparentent à de la comptabilité très créative. »

Aujourd’hui en 2012, la FAE arrive avec « des économies potentielles » encore plus farfelues de 500 millions de dollars (source); d’où sortent ces chiffres ?

Cette idée que l’État pourrait économiser de l’argent en abolissant le financement accordé à l’école privée me surprend toujours. Un même élève va coûter 100% au MELS au lieu du 60% actuel au privé. Plusieurs études ont démontré qu’autour de 15% des écoles privées seulement vont pouvoir rester ouvertes (majoritairement sur l’île de Montréal) si les parents doivent payer 100% des coûts de fréquentation d’une école privée plus du tout financée par l’État. Consécutivement, tous les élèves de familles de classe moyenne actuellement au privé iraient fréquenter les écoles publiques ce qui entraînerait un sur-coût de 40% pour les finances publiques. « Les économies » engendrées par le fait que les élèves des 15% d’écoles restantes ne soient plus financées ne compteraient pas beaucoup dans la colonne des chiffres quand viendrait le temps des comptes. Cesser de financer l’école privée ce n’est pas économiser de l’argent, mais plutôt devoir en mettre davantage.

Sur la stricte question de l’argent, ce débat est perdu d’avance. Pourquoi le refaire chaque année ?

Il y a probablement plein de raisons de critiquer l’école privée, mais en cette semaine de promotion de l’école publique, pourquoi toujours soulever ce genre de question qui situe le message au mauvais endroit ?

L’école publique fait déjà beaucoup pour redorer son image et elle me semble sur une belle lancée ces dernières années. Aujourd’hui, tous ces reportages (1, 2, 3) sur le projet de l’École secondaire Pierre-Dupuy me semblent un bon indicateur du genre de ligne de communication qui devrait être privilégiée : la motivation des élèves et la persévérance scolaire passent par un projet éducatif innovant et original qui répond à tous les besoins des jeunes et l’école publique innove constamment en ce sens !

Bien sûr, je plaide pour plus d’autonomie à l’école publique et le développement d’un meilleur sentiment d’appartenance à son école. Je crois que le projet d’une semaine de promotion de l’école publique c’est l’occasion de regarder ce qu’on fait déjà de bien et de construire sur ses acquis. Je m’étonne qu’on cherche à faire porter le débat sur l’école privée et que, conséquemment, on lise dans des quotidiens ce genre d’article qui va dans le sens contraire de ce que la FAE et tous les intervenants souhaitent.

La force des écoles publiques réside dans sa capacité à rassembler tout le monde et ce n’est pas en divisant les Québécois que les syndiqués de la FAE connaîtront du succès par son initiative. Au moins, la nouvelle ministre de l’Éducation n’est pas tombée dans le piège et a parlé des écoles publiques pour les bonnes raisons :

« Parallèlement au contexte de la Semaine pour l’école publique, la ministre Malavoy a participé ce matin à une rencontre du Réseau réussite Montréal, qui vise notamment à soutenir la persévérance scolaire. Elle a profité de l’occasion pour souligner toute l’importance qu’elle accorde au dynamisme des différents acteurs de la communauté pour ce qui est de la mobilisation autour du milieu scolaire. À ce propos, il va sans dire que l’école publique demeure un outil incontournable. »

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